Nord de l’archipel de Stockholm – Du 25 juin au 5 juillet

Le bateau

Du 25 juin au 1er juillet – Vaxholm
Commençons par ce qui fâche : on a pris une grosse déculottée en finale de Top 14 de rugby… Malgré une très belle saison, la tête et les jambes des joueurs du Stade Rochelais sont visiblement restées au vestiaire du Stade de France, en cette soirée du 25 juin. Pendant ce temps-là au nord de l’Europe, se déroulait la fête de Midsommar, le jour le plus long de l’année. Un week-end prolongé d’agapes familiales dans tous les pays nordiques. Malgré l’annulation des festivités publiques pour cause de COVID, les suédois sortent sur leur 31 par ce bel après-midi estival. Des couronnes de fleurs garnissent de nombreuses têtes, des branches d’arbres aux feuilles bien vertes sont accrochées un peu partout dans la ville, et le grand pavois est de sortie sur de nombreux bateaux. Je finis par céder aux croyances et coutumes locales, et profite d’un petit jogging pour ramasser un rameau fleuri que j’attache sur le bout de la delphinière d’Amor Fati. Il paraît que ça porte bonheur, ça pourrait nous être utile 😉 Nous n’assisteront malheureusement pas aux danses et chants traditionnels qui se jouent d’habitude autour de grands feux sur les places, mais nous profiterons dans le port du bain très matinal de quelques fêtards résolus à participer jusqu’au bout à cette nuit blanche. 

Le week-end s’écoule tranquillement à bord. Nous profitons de cette escale forcée dans l’attente de la réception du nouveau moteur pour quelques travaux de nettoyage et d’entretien à bord. Nous en profitons également pour apprendre aux enfants à jouer aux cartes. Blanche est étonnante dans l’exercice du haut de ses quatre ans. Un petit tour de bac le dimanche midi nous permet de rejoindre la forteresse de Vaxholm. Elle est située sur une petite île au milieu d’un chenal, sur l’une des deux seules voies d’accès à Stockholm par la mer. C’est donc tout naturellement qu’elle a servi de place forte d’artillerie, de la fin du moyen-âge, jusqu’à la guerre froide. Elle abrite aujourd’hui un musée, un hôtel, une galerie d’art et un restaurant. Ce dernier est fermé pendant le week-end de Midsommar, et puisque d’après le célèbre proverbe tibéto-pictave : « quand le ventre a faim, l’esprit vagabonde », c’est d’humeur massacrante pour cause de disette forcée que j’encourage toute notre fine équipe à quitter l’île pour chercher pitance dans les meilleurs délais. Après un bon repas, mon humeur s’est éclaircie ; à l’inverse du ciel. Un énorme orage vient frapper Vaxholm en milieu d’après-midi. Nous sommes en terrasse sous un grand store qui nous abrite, regardant les passants courir sous les trombes d’eau. Après quelques minutes, sous l’effet du vent, la sécurité du store s’active, et celui-ci se met à s’enrouler doucement. Inexorablement, il livre alors chaque table et ses occupants aux caprices du ciel. Panique en terrasse, tout le monde aux abris ! En 3 secondes la tasse de café de Claire est à nouveau pleine d’un jus brunâtre. Il ne reste plus que deux mètres de store. Nous aidons comme nous pouvons une table occupée par plusieurs personnes en fauteuil roulant, visiblement résignées à finir submergées… Impossible de les abriter, la porte du restaurant est trop étroite. Un employé attiré par les cris de la patronne fini par trouver la commande d’arrêt d’urgence du store, et le drôle de supplice s’arrête. Une scène digne d’Indiana Jones ! Nous sommes hilares jusqu’à ce que nous nous rappelions que les hublots du bateau sont bien évidemment restés ouverts… Nous regagnons le bord sous des trombes d’eau et au pas de course ! Le vent s’est levé brutalement et de nombreux bateaux viennent se mettre à l’abri dans le port. Nous les aidons comme nous pouvons dans leurs manœuvres rendues difficiles par le coup de vent et je manque une nouvelle fois de passer à l’eau avec une Suédoise. Celle-ci tente coûte que coûte de retenir l’avant de son bateau depuis le ponton, pendant que je la retiens par la taille pour qu’elle ne parte pas avec le bateau… Il a tellement plu que deux équipiers sur différents bateaux arrivent avec le gilet autogonflant déclenché.Une fois séchés, c’est dans une atmosphère brumeuse mais à nouveau ensoleillée, qu’en fin d’après-midi nous gagnons l’échiquier géant de la petite place. Séance initiation au déplacement des pièces et première partie d’échecs pour Ti’Paul sous les regards intéressés de sa sœur qui, sans un bruit, n’en perd pas une miette.

Le lundi nous partons pour une randonnée de 8 kilomètres sur la côte sud de l’île. La ballade est assez sauvage et nous gagnons une grande plage aménagée avec ponton et plongeoir sur la pointe ouest. Les enfants se régalent de pouvoir profiter des joies de la plage en sable et marchent sans broncher au retour. Blanche est en mode « border-collie » et fait des allers retours en courant entre nous tout le retour. 

Je profite également de ces jours de pause pour finir mon chantier de lecture en cours : Dune de Frank Herbert. Outre quelques images du film (qui a d’ailleurs traumatisé ma sœur au cinéma dans son enfance), je ne me suis encore jamais penché sur cette saga. Une très belle découverte dans l’attente de lire les tomes suivants à notre retour. Pendant ce voyage, je me suis promis de lire les classiques de science-fiction qui manquent à mon actif. C’est ainsi que dans ma bibliothèque de bord j’ai également embarqué le Tome 1 du Cycle des Robots, un classique de la SF des années 40. Je le garde pour la fin. Pendant ce temps-là, Claire s’est enfin convertie à Alain Damasio. Après La Horde du Contre-Vent, elle enchaîne avec Les Furtifs, et ne lâche plus sa liseuse en soirée.

Le mardi nous recevons la confirmation de la réception du moteur par le chantier. Rendez-vous est pris pour un montage le jeudi 1er juillet. Après quelques courses, menus chantiers à bord et lessives, nous partons nous baigner sur un petit ponton face à une galerie d’art. Si j’avais de l’argent et un plus grand bateau, je crois que je me lancerai dans le trafic d’art 😉

Dans la journée, le port s’est rempli de bateaux battant pavillon allemand, attirés par le match de la Mannschaft à l’Euro de football. Alors que nous partons pour le bar des sports pour voir le match avec Blanche, Claire reste au bateau avec Paul qui ne se sent pas très bien. Nous nous rejoignons 1h plus tard à bord. Paul a vomi dans le bateau pendant que Blanche vomissait sur la terrasse du bar. Sans un pleur, bien gentiment, les enfants vont se relayer pour vomir jusqu’en milieu de nuit, veillés par Claire qui somnole dans le carré entre deux interventions. Nous soupçonnons une intoxication alimentaire à base de yaourt. Bien que la glacière fonctionne très bien, le yaourt y a visiblement moyennement apprécié son séjour prolongé.

Au matin les enfants sont livides mais ne vomissent plus. Nous restons donc tranquillement à bord pour un repos collectif à base de lectures et de quelques jeux. Dans l’après-midi nous faisons quelques courses avant le départ et commençons à envisager quelques hypothèses pour la suite du programme de navigation. Après une dernière petite partie d’échecs en soirée, une sorte de lougre d’une vingtaine de mètres, le Constantia, vient s’amarrer sur le ponton extérieur du port. Les enfants sont ravis de pouvoir venir observer de près ce navire construit en 1908. S’il n’avait pas embarqué un poteau de signalétique du port avec son mât de beaupré pendant la manœuvre, nous aurions été invités à bord pour le visiter en famille, mais les réparations s’attardent et il est l’heure pour les enfants de gagner leurs couchettes. 

1er juillet
Départ à 8h de la marina pour contourner l’île et rejoindre Gustaf, le patron du chantier V-holm Martina AB qui va nous remplacer notre moteur. Nous nous séparons de l’ancien sans regret après 10 nouvelles minutes de ratés et de calages ce matin avant de pouvoir quitter le port. En fin de matinée, le nouveau moteur arrive suspendu à l’engin de levage du chantier, et vient se caler sur la chaise arrière avec l’aide de Claire qui, bizarrement, tient absolument à ce que je reste éloigné de la manœuvre… 
Ce nouveau moteur est identique au précédent en puissance (9.9 CV), et dispose d’une hélice forte poussée qui devrait rendre le bateau plus réactif sur les manœuvres à faible vitesse. En revanche, pour le kit de commandes à distances, nous devrons patienter jusqu’à notre retour en France et sa disponibilité. Heureusement, le passage marche avant/marche arrière se fait directement sur la barre franche du hors-bord, m’évitant ainsi de devoir me pencher complétement en arrière pour actionner le levier d’embrayage situé habituellement sur le côté du moteur. A midi, l’affaire est bouclée ! Nous avons un nouveau moteur, mais le vent s’est levé et souffle maintenant du nord-est entre 15 et 25 kts à l’abri, sur le ponton de service. Nous décidons donc de patienter pour espérer partir en début de soirée vers le nord de l’archipel, via le chenal de Norrtäljeviken que nous n’avons pas encore emprunté.

2 juillet – Vaxholm // Fejan
Réveil matinal sur Amor Fati. La veille au soir le vent ne s’est pas calmé. Avec l’accord de Gustaf, le patron du chantier, nous avons donc passé la nuit sur le ponton de service et sommes partis avec le lever du soleil, à 4h30 du matin. Le vent n’est toujours pas dans le bon sens, mais au moins nous sommes seuls sur l’eau. Il fait grand beau et les enfants dorment. Une longue journée nous attend. Ce long chenal étroit est assez monotone, mais je suis ravi de pouvoir à nouveau naviguer. Avant le voyage j’avais longtemps imaginé pouvoir profiter de ces longues nuits ensoleillées pour naviguer tranquillement : c’est chose faite ! A partir de 6h du matin, la monotonie du parcours et des conditions est vite brisée par les premiers allers et venues d’immenses paquebots et ferries qui rallient la capitale suédoise par ce canal. Obligation est faite de leur faire place tant il est difficile de manœuvrer dans ces étroits passages. A 10h, alors que les enfants sont éveillés depuis quelques minutes et jouent tranquillement dans le bateau, nous faisons escale à une pompe à essence flottante à Furusund. Le port semble mignon, mais le passage incessant des paquebots dans cette étroiture nous dissuade vite d’y passer la journée.  A partir de ce point, l’archipel s’ouvre et les voies de navigation s’élargissent. Nous passons à la voile, au près sous 10 à 15kt de vent de nord-est pour rallier l’île et le petit port de Fejan. Nous y arrivons en début d’après-midi après un peu plus de 35 MN parcourus. Cette île est située sur la frange extérieure de l’archipel de Stockholm. L’une des dernières îles avant la traversée vers l’archipel des Åland. Par cette position stratégique et son isolement, au XIXème siècle, l’île est devenue une étape de quarantaine obligatoire pour tous les navires souhaitant entrer dans l’archipel de Stockholm. C’est ainsi que jusqu’à 200 bateaux y jetaient l’ancre pour une dizaine de jours d’escale forcée pour prévenir tout risque de propagation de maladies comme le choléra. De cette période, reste quelques maisons anciennes et un hôpital en brique. L’ensemble forme un décor assez déroutant mais très sympa, tourné vers le petit port qui abrite un restaurant réputé de cette partie de l’archipel. Puisque nous sommes amarrés à quelques mètres, nous décidons d’y diner et passons une très agréable soirée. Le patron finira assis à notre table pour discuter de nos aventures, et notamment de la perte de mon bout doigt qui semble beaucoup l’intriguer. 

Samedi 3 juillet – Fejan // Gräddö
L’étape du jour est courte. Nous décidons donc de prendre notre temps. Direction le sauna et son ponton pour une petite baignade matinale, puis retour à bord. Claire prend la barre et nous conduit en deux heures au petit port de Gräddö par un long bord vent arrière plein ouest. Nous finissons par trouver une jolie petite plage de sable que les enfants vont squatter l’après-midi. Fait notable du jour, puisque la cicatrisation de mon doigt avance bien, mon infirmière personnelle m’a enfin autorisé à me baigner quelques minutes. Je fais donc comme les enfants, et m’autorise enfin mes premières brassées de crawl « volontaires » du voyage !

Dimanche 4 juillet – Gräddö // Arholma
Nous quittons notre place en milieu de matinée et faisons route au nord-est. Une fois de plus, le vent ne nous est pas favorable… La dominante de vent en cette saison, selon les guides et les locaux, est plutôt orientée ouest ou sud (ce qui annonce alors un petit coup de vent la plupart du temps). Depuis 15 jours, il souffle est/nord-est… C’est donc au près et par des bords pas franchement très efficaces dans le Lidö-fjärden que nous arrivons finalement à gagner le chenal nord qui conduit à l’île d’Arholma. Le vent est calme et souffle enfin légèrement du travers. Les enfants sont motivés sur le pont et nous leur confions la barre et l’écoute. Charge à eux de nous conduire à bon port. Après une petite dizaine de miles, nous arrivons sur une petite jetée isolée au nord-est d’Arholma. Cette île magnifique est la plus septentrionale de l’archipel de Stockholm. L’archipel des Åland (territoire quasi autonome rattaché à la Finlande) est situé juste en face, à l’est, à 20 miles au large. Nous abordons la jetée en mouillage arrière par une belle approche en faisant attention à ne pas jeter notre ligne de mouillage sur celle des voisins. Si le coin est sauvage, dans un environnement géré par la Fondation de l’Archipel, il n’en est pas moins réputé. En soirée, deux énormes voiliers, un Bavaria 37 et un Sun Odyssey 39 viennent se mettre à couple de notre Maxus 24 qui paraît alors bien ridicule à côté de ces mastodontes. La discussion s’engage avec nos voisins qui n’ont visiblement encore jamais vu d’équipage comme le nôtre se lancer dans un voyage de plusieurs mois à bord d’un si petit bateau. Je ne sais pas si c’est mon doigt, notre douche familiale à l’eau de mer le soir sur le pont, ou notre repas à base de purée mousseline, mais nous nous sommes visiblement attirés leur sympathie, mêlée surement d’un peu de pitié 😉 Ils nous offrent en soirée du pain encore chaud, sorti tout juste d’une machine à pain installée à bord du Bavaria. Après mille remerciements nous finissons, en aparté, par nous demander comment une machine à pain peut fonctionner sans branchement au 220 volts, puis nous essayons de nous projeter sur la suite du voyage. 

Les enfants ont de plus en plus envi de profiter des étapes, de la baignade, et des jeux dans les cailloux et la forêt. Depuis longtemps nous avons fait une croix sur notre parcours prévu initialement. Celui-ci se basait sur des parcours glanés sur Internet, réalisés par des équipages sans enfants, et la plupart du temps sur des vrais bateaux de voyage. Nous avions sous-estimé ces paramètres et pas franchement imaginés les galères rencontrées depuis notre arrivée en Suède. Plutôt que de nous escrimer à vouloir à tout prix rallier l’archipel des Åland pour en faire le tour, nous décidons que l’île d’Arholma sera le point le plus au nord de notre voyage. D’autant plus que la météo des 15 prochains jours n’arrête pas de changer et que nous devons être rentrés en France vers le 20 août. En effet, nous voulons avoir le temps de ranger le bateau et reposer les enfants et les parents avant la rentrée de septembre. Nous devons également récupérer notre chien Jazz, qui passe ses vacances dans la pension Atout Chien à côté de La Rochelle. Nous en profitons ici pour les remercier, car Jazz semble vraiment s’y plaire avec ses potes à poils, et nous recevons régulièrement des photos qui amusent beaucoup les enfants. Leur chien ne leur manque pas autant que leurs mamies ou leurs copains, mais quand-même 😉

Lundi 5 juillet – Journée à terre à Arholma
Cette île nous plaît beaucoup. Nous décidons donc de profiter des lieux un jour de plus avant d’entamer notre redescente vers le sud, en passant par l’extérieur de l’archipel, sa frange est, que nous n’avons pas encore parcourus. Il nous reste encore beaucoup d’îles dites incontournables que nous souhaitons visiter. Je profite enfin des joies de pouvoir plonger dès le réveil dans la Baltique depuis l’arrière du bateau. Blanche n’est jamais très loin et me rejoint à chaque fois. A force de lire Copains des Mers avec son frère et de se baigner au milieu des petits poissons qu’elle observe avec ses lunettes de plongée, elle rêve maintenant de devenir plongeuse à bord de la frégate qu’a projeté de construire Paul. Nous passons ensuite l’après-midi à explorer la pointe nord de l’île et sa batterie d’artillerie, et observons au loin la côte ouest des Åland. Nous finissons la soirée sur une magnifique terrasse d’un petit restaurant qui domine la mer, avant de rejoindre le bord pour préparer la navigation de demain. Nous partirons vers 6h du matin pour l’île de Möja, située un peu plus de 25 miles au sud.

Merci encore pour vos différents messages et commentaires que nous découvrons avec plaisir même si nous ne prenons malheureusement pas le temps de vous répondre. Nouvelles excuses pour le retard dans la production du prochain épisode de Radio Boubou qui devra attendre que nous ayons accès à du 220 volts pour recharger l’ordinateur. D’ici là, salutations, et bonnes vacances scolaires à tous ! 

Archipelement,

Claire & Alex

Archipel de Stockholm – Du 19 au 24 juin

Le bateau

19 juin – Stockholm // Vaxholm
Notre escale à Stockholm prend fin. Nous quittons le ponton avant 9 heures pour éviter la cohue. Le plan d’eau est pour le moment calme. Les différentes lignes de bateaux bus ne fonctionnent pas encore à plein régime, et le trafic habituel des bateaux moteurs est encore balbutiant. Nous partons cap est / nord-est par le grand chenal qui, à cet endroit, canalise l’ensemble des voies d’accès à Stockholm. Le trafic se densifie donc et se côtoient tous les types d’embarcation, du jetski au paquebot. Nous sommes d’ailleurs rapidement rattrapés par une sorte de course ou un rallye d’une centaine de jetskis. On se croirait en plein film Waterworld avec une bande de furieux « Smokers » filant droit sur notre frêle et lent voilier. Claire me fait cependant remarquer que je n’ai pas vraiment le profil de Kevin Costner… Pour l’instant ça nous fait encore marrer… Nous sommes en route vers la station balnéaire de Vaxholm. Plus la matinée avance, plus le nombre de bateaux sur l’eau grandi. Ils sont de plus en plus gros, nous passent de plus en plus près, et nous ne sommes pas loin de croire qu’ils vont également de plus en plus vite ! Si la plupart sont plutôt sympas, certains passent suffisamment près pour que nous remarquions quelques gloussements sur des bateaux moteur qui s’amusent de voir notre petit bateau se faire brasser par les vagues qu’ils provoquent.

A l’approche de Vaxholm, dans le chenal d’accès au bassin de l’avant-port, c’est la foire d’empoigne. Le plan d’eau s’est transformé en un énorme bouillon de vagues désordonnées. On ne tient pas debout sur le pont et je dois sortir le moteur de l’eau à deux reprises pour qu’il ne soit pas submergé par l’arrière. Les bateaux de transport de passagers inter-îles ne s’embarrassent pas du trafic, les deux bacs de Vaxholm encore moins. Charge à tous les autres de ne pas se trouver sur leur route. Nous rallions finalement le port où nous trouvons un catway de disponible malgré le nombre de petits bateaux moteur, venus se restaurer ou avitailler. Bilan de la matinée, les grands chenaux de navigation de l’archipel de Stockholm, c’est comme le pont de l’Ile de Ré : les week-ends de départ en vacances, mieux vaut l’éviter. 

La station de Vaxholm est mignonne avec ses maisons de bois colorées et son château situé sur une petite île à portée de barque. La chaleur est maintenant bien installée sur la région, et nous décidons d’aller nous baigner en famille. Là encore, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée, et « la plage » de vingt mètres de large a une capacité d’accueil limitée. Nous trouvons une place à l’ombre un peu à l’écart, et profitons de la baignade dans une eau à 18°C. Les enfants s’éclatent, et j’arrive à me baigner un peu en gardant la main gauche hors de l’eau. Impossible de sortir Blanche de l’eau. Elle s’amuse de ma main gantée qui reste à la surface et qu’elle prend pour un aileron de requin.

En soirée, nous finissons par coincer Ti’Paul pour un élagage de la tignasse auquel il se refuse depuis plusieurs jours. Claire se transforme en coiffeuse. Elle est décidément trop forte cette Clairette !

20 juin – Vaxholm // Ingmarsö Bockviken
Ce matin encore, départ un peu avant 9 heures pour éviter le trafic. Le plan d’eau est enfin calme et nous profitons à nouveau de la navigation. Nous avons décidé de passer par les chemins de traverse pour faire route nord-est vers l’archipel des Äland en Finlande. Nous quittons donc rapidement le grand chenal nord pour essayer de gagner le centre de l’archipel.
Nous mettons en route le moteur pour passer plusieurs passages étroits et peu profonds, et notamment le chenal entre les îles de Storängen et Örsö où le vent souffle pleine face. A la sortie de ce passage, Claire et moi nous figeons sur un saut de puissance du moteur :

–       « T’as touché les gazs ?
–       Non, et toi ?
–       Non plus…
–       Merde… »

Nouveau raté. Je vérifie l’arrivée et le niveau d’essence et remets deux coups de pression sur la poire de la nourrice au cas où. Le moteur fonctionne maintenant bizarrement à moyen régime, et plus du tout au ralenti ou marche lente… Nous arrivons dans une zone plus large entre les îles de Edö et Svartsö, et passons à la voile. Nous nous livrons alors à un bel exercice de remontée au près dans 10 à 15 kt de vent, en slalomant entre « les tires-annexes ». C’est le surnom que je donne maintenant aux voiliers suédois qui ne se donnent jamais la peine de ranger leur annexe et la tirent ainsi inexorablement pendant des miles et des miles, 2 mètres derrière leur poupe, la plupart du temps au moteur. Soit c’est nous qui sommes trop bêtes de la gonfler/dégonfler tous les deux jours, soit c’est eux qui sont trop faignants 😉 Dans tous les cas nous nous régalons dans cet exercice de près, et, une belle trace GPS plus tard, nous arrivons à destination : un mouillage dans une petite baie fermée par une passe de 4 mètres de large sur 40 mètres de long. Le fond n’y cale pas à plus de 2 mètres. Le moteur ne fonctionne pas au ralenti, et nous nous engageons donc dans cette passe en alternant marche avant et marche arrière, pour maintenir une vitesse de quelques nœuds, le tout en essayant de respecter scrupuleusement les petits signaux d’alignement bricolés à terre. 

Nous finissons l’approche par l’avant, avec mouillage arrière sur notre erre. Le moteur a encore calé, et je n’ai pas assez de bras pour tenir la barre, freiner le bateau sur la ligne de mouillage arrière, et tenter de le redémarrer. L’expérience aidant, Claire pose le pied à terre tranquillement par la delphinière et amarre rapidement le bateau. 

Ce moteur nous gâche encore la vie, et pendant que les enfants profitent du cadre magnifique et de la baignade sur des grandes dalles de rocher, nous passons des coups de fil aux amis pour essayer de comprendre le problème. Le niveau d’huile a visiblement augmenté, et l’huile a une forte odeur d’essence ?! Je change de nourrice et vérifie le circuit d’arrivée d’essence comme je peux, puis nous tentons une nouvelle vidange d’huile. Une heure plus tard nous rallumons le moteur. Idem ! Après trente minutes passées en essayant de le tenir en route, l’huile sent à nouveau l’essence. Le moteur a de gros sauts de puissance à tous les régimes et cale systématiquement au ralenti dans d’inquiétantes vibrations erratiques. Je n’y comprends rien. Certains diront :  » l’aventure commence, là ou la compétence s’arrête ! », mais je ne suis pour le moment pas d’humeur aux dictons à la con !
En soirée, Claire et moi sommes dépités et décidons de noyer ces ennuis en musique, au soleil, et avec une bouteille de rosé. Le rhum et la Chartreuse attendront que les enfants soient couchés. 

21 juin – Ingmarsö Bockviken
Nous sommes donc coincés ici pour le moment, et devons trouver une solution d’accueil pour à nouveau faire réparer notre moteur. Les enfants sont encore petits et, même si Paul s’inquiète parfois de la situation, la baignade et leur capacité à très bien jouer ensemble nous permettent de nous concentrer sur la recherche de solutions. A 16 heures, malgré des dizaines de coups de fil, nous n’avons aucune piste sérieuse pour un réparateur capable de nous accueillir dans un périmètre d’une dizaine de miles. Nous sommes la semaine de Midsommar (grande fête populaire et familiale dans l’ensemble des pays nordiques pour fêter le jour le plus long de l’année), et personne n’est disponible.

Un peu comme une bouteille à la mer, nous rédigeons un mail pour expliquer notre situation et l’envoyons à différents chantiers de l’archipel un peu plus éloignés, ainsi qu’à un service de dépannage visiblement très populaire chez les plaisanciers suédois. Ce dernier est prêt à nous aider à trouver un chantier et à le rallier, à la seule condition que nous soyons assurés pour ce type de désagrément. Nous mettons donc notre service d’assistance en relation avec eux, les rassurons sur le fait que nous sommes bien amarrés, en sécurité, et avec des provisions d’eau et de nourriture pour quelques jours, et attendons la suite. Claire et moi nous détendons un petit peu et nous profitons enfin du site magnifique dans lequel nous sommes. Ce calme est bien agréable après les escales urbaines de ces derniers jours. Nous débutons notre « robinsonnade » familiale par un grand feu sur un bivouac aménagé par la fondation de l’archipel, gestionnaire de la réserve naturelle dans laquelle nous sommes. En début de soirée des saucisses grillent au bout de nos piques, et nous les dégustons bien tranquillement, perchés sur notre grosse carapace de tortue en granit qui surplombe le mouillage. Seul inconvénient du lieu, il est également fréquenté par d’énormes moustiques. Ceux-là ne piquent pas, non, ils t’arrachent des morceaux de viande. S’ils restent dans les sous-bois en journée, ils se ruent sur les berges chaque soir à partir de 19 heures.

C’est donc sous la grande moustiquaire de cockpit (une des bonnes idées que nous avons eu avant notre départ) que toute la famille se met à poil pour une bonne douche à l’eau de mer, avant de nous plonger en famille dans la lecture de « Pavillon Noir », une série de romans pour enfants dont nous venons d’attaquer la lecture.

22 juin – Ingmarsö Bockviken // Vaxholm
C’est aujourd’hui que nous aurions peut-être dû traverser vers la Finlande. Les conditions de vent semblent parfaites… Une fois cette pensée chassée, nous commençons la journée par, ce que nous appelons depuis nos années en collocation, un bon « petit déjeuner Ricoré ». Pour les connaisseurs, c’est à peu près comme dans la pub Ricoré des années 90 : un gros petit déj en famille ou entre amis, dehors et au soleil si possible, et toujours de bonne humeur ! Les enfants sont ensuite rapidement à l’eau et Claire lance une lessive à l’eau de la mer et du pain maison à la poêle (nous n’avons pas de four sur Amor Fati). En début d’après-midi, nous recevons un coup de fil d’un chantier puis celui du service de dépannage. Le revendeur Mercury de Vaxholm accepte de nous accueillir et d’essayer de réparer sous une semaine le moteur. Le moteur fonctionnant très mal, et étant donné les symptômes évoqués, on nous conseille de ne pas nous en servir et l’on nous propose de nous remorquer. Même si je ne suis pas du tout enchanté par l’idée de devoir être assisté, je me rends vite compte qu’un convoyage uniquement à la voile jusqu’à Vaxholm (route que nous avons empruntée il y a deux jours) semble compliqué étant donné les nombreux chenaux et passages étroits et le trafic. C’est donc bien assis sur mon inconfortable orgueil que nous sommes pris en remorque vers 18 heures par un très sympathique suédois et son bateau de dépannage. Nous parcourons les 18 miles et arrivons vers 21 heures sur la rive nord de Vaxholm, dans la zone industrielle où le ponton de service et le patron du chantier nous attendent. Ce convoyage retour nous conforte finalement dans le choix du remorquage car, sans moteur, nous aurions eu tout loisir de finir coincés au milieu d’un chenal ou contre un des très nombreux navires naviguant sur la zone. Un équipage, peut-être plus expérimenté ou moins éprouvé par les quelques galères que nous avons traversées, l’eût fait ; nous avons cette fois privilégier la prudence et suivi les conseils des locaux. 

23 & 24 juin – Vaxholm
Réveil matinal et pluvieux dans cette zone industrielle de la rive nord de Vaxholm, bien moins sexy que sa voisine du sud, où se situe le port d’invités dans lequel nous étions il y a quelques jours. Conforme à ses engagements, le patron du chantier, un dénommé Gustav, commence sa journée avec notre moteur. Après quelques vérifications d’usage et un nettoyage complet du circuit d’alimentation d’essence, nous lançons un nouveau test de fonctionnement. Le moteur semble tourner correctement, mais après presque 2 heures, il présente de nouveaux sauts de puissance et s’étouffe dans ses vibrations au ralenti. L’huile sent toujours l’essence et semble maintenant fuir de quelque part… Notre mécanicien est septique et après quelques instants de réflexion nous fait le topo suivant : 

– Le moteur semble avoir presque mille heures (même si nous lui faisons par de nos doutes quant au bon fonctionnement de l’horamètre), et il le trouve globalement un peu fatigué.
– Les causes du problème peuvent être nombreuses, et la recherche d’une solution pérenne pourrait prendre du temps et être coûteuse.
– Nous n’avons aucune garantie de sa part que nous n’aurons pas le même problème, ou un nouveau, d’ici quelques heures ou quelques jours.
– Sauf à attendre Noël, il n’est absolument pas sûre d’avoir un moteur neuf équivalent à nous vendre car il semblerait qu’il y ait une pénurie de moteurs au niveau international…  De son côté, il n’a aucun stock sur cette puissance de motorisation, peu répandue et bien ridicule pour un Suédois.   

Après quelques coups de fil de Gustav, et notamment à la plateforme européenne Mercury (la marque de notre moteur et la plus populaire en Suède) qui se trouve en Belgique, deux moteurs équivalents sont disponibles mais sans le kit de commandes à distances dont les seuls disponibles pour le moment sont aux États-Unis… Après conseils auprès d’un mécanicien Mercury basé à La Rochelle, nous acceptons la proposition et signons pour un nouveau moteur qui devrait être livré au chantier de Vaxholm sous une semaine. Pas question en revanche de squatter le ponton de service du chantier pendant ce temps-là. Puisqu’il n’y a qu’un mile à parcourir, sans grosses difficultés, nous décidons donc en fin d’après-midi de rallier l’autre côté de l’île et la marina de Vaxholm. Le moteur toussote mais fonctionne à régime moyen en jouant des commandes régulièrement. Nous rejoignons la marina et découvrons un nouveau système d’amarrage sur le ponton central. Il n’y a pas de catway. L’approche se fait par l’avant ou par l’arrière, perpendiculairement au quai. Une fois le pied à terre, il faut se saisir d’un bout accroché au quai et qui plonge dans l’eau.  En remontant le bout le long du bateau, on finit par le tendre puisque son autre extrémité est fixée à un poids sous l’eau. Les bateaux sont ainsi plus ou moins à couple, perpendiculairement au ponton. Nous sommes très sympathiquement accueillis par les jeunes saisonniers qui travaillent au port d’invités l’été. Notre périple les amuse et puisque nous sommes ici dans l’attente du nouveau moteur, nous bénéficions d’un tarif spécial « galerians pandemic travellers » 😉

C’est donc à Vaxholm que nous passerons la fête de Midsommar -dont les célébrations publiques ont été annulées avec le COVID- et que nous allons assister ce soir à la finale de TOP 14 entre le Stade Rochelais et le Stade Toulousain ! Le pavillon du Stade Rochelais est hissé depuis ce matin dans les haubans car : « ICI, AUSSI, C’EST LA ROCHELLE !!! ».

Claire & Alex

Pour découvrir toute la galerie photos, c’est ici !

PS : Toutes nos excuses aux fans de Radio Boubou pour la non diffusion de l’épisode 7 cette semaine. Ces nouvelles galères de moteur, et l’absence de 220 volts pendant quelques jours nous ont empêché de le produire… Promis, nous sortirons cet épisode dimanche ou lundi !

Paul & Blanche